NAGER
« Les premières brasses sont comme un miracle : je flotte ! Mon corps n’est donc pas de pierre. Je ne coule pas, je suis porté par la mer, partenaire de sa houle et de ses flots. J’ai bravé la gravité ; je suis désormais en apesanteur dans le bleu des vagues. Il n’y a sans doute que voler qui soit comparable. Il y a bien sûr une explication physique à ce phénomène… La mer nous fait changer d’état : de marcheur à la verticale, on devient flotteur à l’horizontale. On ne surplombe plus de toute sa hauteur de jambe le monde qui nous entoure, on en fait partie. En ce sens, plonger n’équivaut pas à tomber, mais à s’unir. C’est partir à la rencontre et non chuter. On se retrouve au milieu de la mer, environné par elle. Nous sommes comme si nous étions nulle part, libérés de l’assignation à résidence, alors que, sur terre, nous sommes toujours quelque part, plantés en un lieu comme un papillon sous une épingle. Ouvrir les yeux sous l’eau, être enveloppé de tout cet indigo vibrant, c’est une expérience sans équivalent. On habite l’infini, on se confond avec lui. »
Extrait de « Petite philosophie de la mer » de Laurence Devillairs
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